vendredi 8 mai 2009

Castres. 9 salariés reclassés en Inde pour 69€ : le PDG s'explique

François Morel, l'un des deux PDG de l'entreprise textile, explique pourquoi il a proposé de reclasser ses salariés en Inde pour 69€.

François Morel (au centre sur la photo) affirme
qu'il n'a pas eu le choix de faire cette proposition à
cause de «la stupidité des lois» françaises. Photo
DDM,Archives S.B



Depuis New-York où il réside et où il a un bureau, l'un des deux PDG de l'entreprise de textile Carreman a tenu à s'exprimer hier au sujet de sa proposition de reclasser neuf salariés licenciés du site castrais du Travet dans une usine du groupe en Inde pour 69 € par mois. François Morel, 48 ans, comprend les réactions indignées des syndicats et des salariés mais plaide non coupable pour cette proposition jugée « scandaleuse ». Interview du patron de ce groupe textile dont le siège est à Castres mais qui dispose d'un autre site en Ariège, d'usines en Roumanie et en Inde.

Pourquoi avoir fait cette proposition à vos salariés ?

C'est la loi française qui nous oblige à faire par écrit une proposition de reclassement si on dispose d'autres sites même si c'est en Papouasie ou au Bangladesh. Je suis conscient que c'est stupide mais c'est la stupidité de la loi. Mais je n'ai évidemment jamais fait cette proposition oralement à mes salariés qui savent que je dévoue ma vie à Carreman et que je fais ce que je peux même si je reconnais que l'on ne s'en sort pas bien en ce moment. J'ai toujours été clair avec les salariés. Et, croyez-moi, je préfère travailler en France avec des Français qu'à l'étranger.

Pourquoi avoir délocalisé alors ?

J'ai toujours défendu le travail en France. Mais nous sommes dans un milieu très concurrentiel avec des clients qui ne sont pas toujours très loyaux et qui veulent acheter de plus en plus loin pour payer de moins en moins cher alors qu'ils revendent toujours au même prix. On a été obligé de délocaliser sinon c'était la fin. Et ces délocalisations nous ont d'ailleurs permis de préserver de l'emploi en France.

Mais vous licenciez encore neuf personnes à Castres…


Carreman a 20 ans cette année. Et si, sur les 10 premières années, nous avions une forte croissance, ce qui nous a d'ailleurs permis de racheter à l'époque des entreprises autour de Castres, ce qui prouve que par le passé on a fait en sorte de sauver de l'emploi, aujourd'hui nous vivons des moments extrêmement difficiles avec cette crise mondiale qui est en train de nous tuer.

Envisagez-vous d'autres licenciements sur les 90 employés que vous avez à Castres ?

Je ne sais pas ce qui va se passer dans les semaines qui viennent. Je suis très inquiet. Je ne dors pas bien. J'ai des nœuds dans le ventre car je ne vois pas le bout du tunnel. Nous sommes sans doute à l'aube d'une grande catastrophe. Cela fait six mois que l'on tient mais on ne tiendra pas comme cela longtemps. Et d'ailleurs si on est encore debout par rapport à certains de nos concurrents qui ont déjà déposé le bilan, c'est parce qu'on a délocalisé.

Pensez-vous pouvoir bénéficier des différents plans de relance du gouvernement ?


Ne me parlez pas des gouvernements, qu'il soit de gauche ou de droite, on n'a jamais été aidé. Il y a d'abord eu les 35 heures qui ont été un coup de massue pour la filière textile. Ensuite on a libéré le marché en supprimant les quotas qui nous aidaient bien avant. Et maintenant on entend le gouvernement actuel qui a décidé de sauver l'automobile. Et nous rien. C'est inadmissible.

Un voyage à Bora-Bora accroît la colère des salariés

Déjà accablés par les licenciements et cette proposition d'aller travailler en Inde pour 69 €, les salariés étaient encore plus en colère hier après avoir entendu qu'un voyage à Bora-Bora était prévu prochainement pour les commerciaux du groupe. « Les patrons nous licencient mais pour faire des bureaux tout neufs sur notre site des Salvages ou pour partir à Bora-Bora en voyage avec les commerciaux, ils savent trouver l'argent », s'insurgeait un salarié. « Ce n'est pas un voyage touristique, nous a répondu le PDG François Morel. Il s'agit d'un voyage d'affaires, comme nous le faisons chaque année, avec nos clients. Il tombe mal, c'est sûr, mais il était programmé depuis longtemps et nous avons déjà versé des arrhes. Et même si nous avons diminué le nombre de participants de 100 à 50, ce sont des voyages nécessaires comme le font tous nos concurrents. Car on sait qu'à chaque fois cela permet de signer des commandes qui nous rapportent 8 fois le coût du voyage.»


Un responsable syndical CGTde Castres : « la direction de Carreman se retranche derrière la loi. mais la loi ne les empêche pas de licencier « proprement ». Un petit chèque plutôt qu'un reclassement en Inde aurait été plus tolérable. Les salariés de Carreman n'ont pas l'habitude de s'exprimer, ils sont isolés. Ils sont soulagés que l'opinion publique ait pris connaissance de leurs difficultés. ils ont l'impression d'être moins seuls dans leur petit monde. »


Source : ladepeche.fr

Comments :

0 commentaires to “Castres. 9 salariés reclassés en Inde pour 69€ : le PDG s'explique”


Enregistrer un commentaire